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21 novembre 2016

Conséquences de l'explosion du 28 février 2008 au 119 cours Lafayette

Le tribunal administratif de Lyon condamne les sociétés GRDF, Jean Roche et Véolia Eau à verser la somme de 4 358 567,82 euros en réparation des préjudices résultant de l'explosion survenue le 28 février 2008 au 119 cours Lafayette à Lyon.

Le 28 février 2008, lors de la réalisation de travaux sur le réseau public de distribution d’eau à Lyon, une canalisation de gaz a été rompue au droit de l’immeuble situé au 119 cours Lafayette dans le 3ème arrondissement. La fuite de gaz provoquée par cette rupture a été suivie d’une très forte explosion, causant le décès d’un sapeur-pompier, les blessures d’une quarantaine de personnes et soufflant plusieurs immeubles.

En parallèle des procédures engagées devant la juridiction pénale, laquelle a reconnu en appel la culpabilité des sociétés GRDF, Jean Roche et Veolia Eau pour l’infraction d’homicide et blessures involontaires, le tribunal administratif de Lyon a été saisi de dix requêtes présentées par certaines victimes directes et par plusieurs sociétés d’assurances ayant pris en charge la réparation des dommages matériels subis par leurs assurés à la suite de cette explosion.

Ces affaires ont été examinées par la cinquième chambre du tribunal lors de l’audience du 18 octobre 2016. Par jugements du 8 novembre suivant, la juridiction s’est prononcée sur les conditions de mise en jeu et de partage des responsabilités des personnes privées et publiques mises en cause et a fixé le montant des indemnités à verser aux victimes ainsi qu’à leurs assureurs.

Tribunal administratif de Lyon, 8 novembre 2016, n°1302294

I.- Sur les fondements de responsabilité

 

A.- Régime de responsabilité sans faute en faveur des tiers. Exclusion du fait du tiers et rejet de la force majeure comme causes exonératoires de responsabilité.

 

Le tribunal a retenu un premier régime de responsabilité sur le fondement des dommages de travaux publics causés aux victimes ayant la qualité de tiers à l’égard tant de l’ouvrage public que constitue le réseau de distribution de gaz naturel que des travaux publics exécutés sur le réseau de distribution d’eau potable.

Ainsi la responsabilité sans faute de la société Gaz réseau distribution France (GRDF) en charge de l’exploitation et de l’entretien du réseau public de distribution du gaz naturel a-t-elle été retenue sur ce fondement en sa qualité de gardien cet ouvrage public.

Les sociétés Veolia Eau et Jean Roche ayant assuré respectivement la maîtrise d’ouvrage et l’exécution des travaux publics sur le réseau d’eau à l’origine de la rupture de la canalisation de gaz ont également vu leur responsabilité engagée sur le même fondement à l’égard des victimes.

A été écartée en revanche la responsabilité de la métropole de Lyon en sa qualité de collectivité propriétaire du réseau public de distribution d’eau potable dès lors que l’exploitation de ce réseau a été confiée par traité d’affermage à la société Veolia Eau. De même le tribunal n’a pas retenu la responsabilité de deux autres entreprises ayant exécuté en 2003 des travaux sur le réseau de distribution de gaz dès lors que ces travaux anciens ne présentaient aucun lien de causalité avec l’explosion litigieuse.

 

B.- Régime de responsabilité pour faute de la société en charge du service public de l’urgence gaz

 

Un second régime de responsabilité a également été appliqué dans ces affaires à l’égard de la société GRDF et dont la responsabilité se trouvait déjà engagée au titre du premier régime.

Les requérants invoquaient en effet une carence fautive de la société en charge d’une mission de service public au titre de l’intervention en urgence en cas de fuite de gaz.

Pour retenir l’existence d’une telle faute dans l’exécution de cette mission, le tribunal s’est fondé notamment sur l’insuffisance des moyens mis en œuvre après le signalement d’une fuite importante de gaz provenant d’une canalisation enterrée, et donc non visible, dans un milieu urbain très dense, le caractère inadapté des procédures d’intervention interdisant aux agents de terrain de prendre la décision de fermeture des vannes et sur l’absence de transmission des informations pertinentes au responsable disposant d’un tel pouvoir de décision.

L’existence d’un lien de causalité entre cette faute et la survenance de l’explosion a été enfin admise par la juridiction dès lors que l’absence de possibilité de fermeture rapide des vannes de gaz desservant ce secteur a permis une forte accumulation de gaz dans le sol du cours Lafayette et le sous-sol de l’immeuble ayant provoqué l’explosion.

 

II. – Sur les droits à indemnisation

 

Le tribunal a condamné les sociétés GRDF, Jean Roche et Veolia Eau, le cas échéant solidairement lorsque cela été demandé, à réparer les préjudices résultant de l’explosion du 28 février 2008.

La réparation a porté exclusivement sur des préjudices matériels résultant principalement des frais de remise en état des immeubles, des dégâts mobiliers, des pertes d’exploitation pour les commerces, des pertes de loyer pour les propriétaires non occupants et des frais d’expertise.

Le montant total de ces indemnités s’élève à la somme  de 4 358 567,82 euros.

 

III.- Sur le partage de responsabilité

 

La juridiction a retenu un partage de responsabilité entre les sociétés GRDF, Jean Roche et Veolia Eau. Ce partage a été déterminé, soit directement, soit par le biais des appels en garantie,  en tenant compte des fautes respectives commises par ces sociétés commerciales et ayant concouru à la survenance de l’explosion.

Compte tenu de sa carence fautive dans son intervention en urgence à la suite du signalement de la fuite de gaz à l’origine de l’explosion, le tribunal a fixé la part de responsabilité de la société GRDF à 40 % des conséquences dommageables de l’explosion du 28 février 2008.

Le tribunal a également retenu une part de responsabilité de la société Veolia Eau à hauteur de 40 % des conséquences dommageables de l’explosion du 28 février 2008, après avoir relevé qu’elle n’avait pas pris les mesures lui permettant de s’assurer de la faisabilité sans risque des travaux de remplacement des canalisations d’eau par la technique qu’elle promouvait, c’est-à-à-dire en l’espèce sans ouverture complète de tranchée, une telle technique imposant de s’assurer du tracé exact de la canalisation à remplacer.

Enfin, la part de responsabilité de la société Jean Roche en charge de l’exécution des travaux dans les conséquences dommageables de l’explosion du 28 février 2008 a été fixée par le tribunal à 20 %, compte tenu de ce que cette société n’avait pas pris l’ensemble des mesures préventives adaptées de nature à s’assurer que la technique qu’elle a utilisée était compatible avec l’état des réseaux au droit du 119 cours Lafayette.

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