Par deux décisions du 24 novembre 2021, le tribunal rejette les demandes de deux collectifs de riverains et commerçants de secteurs situés à Lyon et Villeurbanne, formées en raison de l’absence de réponse à leurs demandes faites aux autorités publiques d’adopter des mesures de nature à faire cesser les atteintes à la tranquillité et à la sécurité publiques, résultant de rodéos motorisés, trafics et violences dans l’espace public
S’agissant des deux requêtes, le tribunal rappelle tout d’abord que, dès lors que la constatation et la répression des infractions pénales sont des activités qui ressortissent de la police judiciaire, le tribunal administratif n’est pas compétent pour statuer sur les demandes des deux collectifs en tant qu’elles concernent ces questions.
Ensuite, d’une part, s’agissant de la première affaire, 161 personnes physiques et morales, se disant riveraines de voies situées dans la Presqu’île de Lyon, ont demandé au maire de Lyon d’exercer ses pouvoirs de police pour assurer la tranquillité et la sécurité publiques dans leurs quartiers, exposés à des nuisances nocturnes et en particulier à des rodéos motorisés, et leur verse une indemnité en réparation des préjudices subis du fait de l’inaction de la ville.
Concernant en premier lieu, les conclusions à fin d’annulation du refus implicite du maire de prendre les mesures réclamées, le tribunal estime que, compte tenu de la date à laquelle les requérants doivent être regardés comme ayant eu connaissance de la décision contestée, leur requête n’a pas été présentée dans un délai raisonnable et rejette la demande.
Par ailleurs, en ce qui concerne la demande de condamnation du maire de Lyon au titre de sa responsabilité pour faute, le tribunal rappelle d’abord que dans les communes où la police est étatisée, le maire est compétent pour prévenir les atteintes à la tranquillité publique uniquement en ce qui concerne les troubles de voisinage. Il estime ensuite que les troubles à la tranquillité invoqués par les requérants résultent de nuisances liées à l’organisation de rodéos en voitures et deux-roues dans le centre-ville de Lyon, par des personnes de passage, et ne constituent dès lors pas des troubles du voisinage qu’il appartient au maire de faire cesser.
Le tribunal précise, en outre, que si le maire de Lyon conserve une compétence en matière de police du stationnement, il ne lui appartient pas de prendre des mesures réglementant la circulation et le stationnement dans un but de préservation de la tranquillité et la sécurité publiques. En conséquence, il estime que dès lors qu’il est incompétent en la matière, le maire de Lyon ne pouvait pas prendre de mesure de police plus restrictive que celles prises par les autorités de l’Etat. Il considère, par suite, qu’en l’absence de faute entachant son refus de prendre les mesures de police administrative réclamées par les requérants, la responsabilité pour faute du maire de la ville de Lyon ne peut pas être engagée.
Enfin, au titre de la responsabilité sans faute de la ville de Lyon pour rupture de l’égalité devant les charges publiques, le tribunal rappelle qu’elle ne peut être engagée qu’à la condition que le dommage résulte d’une décision administrative régulière ou d’une inaction justifiée de son maire. Or, en l’absence de compétence pour prendre les mesures réclamées, la responsabilité du maire de Lyon ne saurait être engagée à ce titre.
D’autre part, s’agissant de la seconde affaire, par une lettre adressée au Premier ministre, au ministre de l’intérieur, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au préfet du Rhône, un second collectif de 396 personnes physiques et morales se disant contribuables et habitantes des villes de Lyon et Villeurbanne a réclamé que ces autorités exercent leurs pouvoirs de police pour assurer la tranquillité et la sécurité publiques dans leurs quartiers, exposés à des nuisances nocturnes, et en particulier à des rodéos motorisés, à des nuisances et tapages nocturnes en Presqu’île, dans les 1er et 3ème arrondissements de Lyon, à des trafics de stupéfiants dans le quartier du Tonkin et à des violences multiples dans l’espace public.
Le tribunal précise d’abord que, compte tenu de leur nature, en particulier les rodéos motorisés imputables à des personnes qui sont seulement de passage dans les quartiers concernés, il appartient au préfet de prévenir certaines des nuisances invoquées par des mesures de police administrative sur ces communes, où la police est étatisée.
A cet égard, le tribunal relève que le préfet a produit un ensemble d’éléments de nature à justifier de la mobilisation des services de l’État dans la prévention de ces nuisances, dont en particulier l’organisation d’opérations de police visant le contrôle de véhicules sur la commune de Lyon et la visite de parties communes d’immeubles dans le quartier du Tonkin à Villeurbanne, au cours des années 2019 et 2020. A l’inverse, il relève que les requérants n’ont pas justifié de la nature, de la fréquence et de la localisation exacte des troubles dont ils se plaignent, ni de la manière dont ils sont personnellement affectés. Le tribunal estime en conséquence qu’ils n’établissent pas que les mesures présentées par le préfet du Rhône étaient tardives ou insuffisantes pour lutter contre les nuisances en cause et leur permettre de bénéficier d’un niveau raisonnable de tranquillité et de sécurité. En conséquence, le tribunal refuse de faire droit à la demande indemnitaire présentée au titre de la responsabilité pour faute de l’État.
Enfin, dès lors qu’il n’apparaît pas que les autorités de l’État se seraient volontairement abstenues d’exercer leurs pouvoirs de police administrative dans un but d’intérêt général, le tribunal a considéré que les requérants n’étaient pas davantage fondés à réclamer une indemnisation au titre de la responsabilité sans faute de l’État, pour rupture de l’égalité devant les charges publiques.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le tribunal a jugé qu’aucune faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Lyon ni de l’État n’est caractérisée et rejette les requêtes.
Lire les décisions n°2000611 et 2101049
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