Suspension de l’arrêté portant enregistrement d’une installation de stockage de déchets inertes à Gex

Décision de justice
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Le juge des référés du tribunal, suspend l’exécution de l’arrêté de la préfète de l’Ain en date du 5 octobre 2021 portant enregistrement d’une installation de stockage de déchets inertes au lieu-dit « Grand Chauvilly » sur la commune de Gex

Le site de Grand-Chauvilly à Gex, historiquement occupé par des activités de carrières, d’activités de transit et de traitement de matériaux ainsi que de stockage d’ordures ménagères, a fait l’objet depuis plusieurs années d’opérations de remblaiements par des déblais issus de chantiers. Afin de régulariser ces opérations et proposer, à terme, un réaménagement global du secteur, les entreprises de travaux publics exploitant le site se sont regroupées en une entité juridique unique, la SAS Isdi Du Chauvilly, et ont déposé un dossier de demande d’enregistrement pour la création sur place d’une Installation de Stockage de Déchets Inertes (ISDI) d’une capacité de 960 000 m3, avec une surface drainée de 23 ha. Par un arrêté du 5 octobre 2021, la préfète de l’Ain a décidé d’enregistrer cette installation pour une durée de 12 ans, avec une perspective de réhabilitation à terme du site à usage naturel et de loisirs. 

Le juge des référés a été saisi de deux requêtes présentées par la commune de Gex d’une part, et un collectif d’associations et de riverains d’autre part, tendant à la suspension de cet arrêté.

Le juge des référés a d’abord rappelé que si les installations soumises à enregistrement sont, en principe, dispensées d’une évaluation environnementale préalable à leur enregistrement, le préfet, saisi d’une demande d’enregistrement d’une installation, doit, en application de l’article  L. 512-7-2 du code, se livrer à un examen particulier du dossier afin d’apprécier, notamment au regard de la localisation du projet et de la sensibilité environnementale de la zone d’implantation ou du cumul des incidences du projet avec celles d’autres projets d’installations, ouvrages ou travaux situés dans la même zone, si une évaluation environnementale donnant lieu, en particulier, à une étude d’impact, est nécessaire.

Le juge des référés a ensuite relevé que le site devant accueillir l’installation en cause correspondait à une ancienne décharge de matériaux de plusieurs mètres d’épaisseur, incluant des casiers de déchets ménagers et que cette installation consiste à déposer par secteurs et par « lits horizontaux », et en observant une légère pente de remblai, des matériaux inertes sur la partie supérieure de la décharge, dont elle est séparée par une couche d’étanchéité.

Il a ensuite considéré que contrairement à ce qui était soutenu, aucun risque d’affaissement significatif de cette installation, qui aurait pour effet de comprimer les couches inférieures de l’ancienne décharge et de provoquer la fuite dans l’environnement proche et plus éloigné de substances polluantes liées principalement à la présence de déchets ménagers, n’était avéré.

Cependant, et après avoir constaté qu’aucune activité spécialement polluante, notamment industrielle, n’était par ailleurs implantée dans le secteur, à forte concentration de population, de cette décharge, le juge des référés a noté que des taux anormalement élevés en PCB, hydrocarbures et arsenic avaient été relevés en divers points autour du site, en particulier sur sa partie ouest.

Des prélèvements effectués en 2022 en partie est et sud du site, dont certains à proximité des casiers de déchets ménagers, présentant un mauvais état de conservation, n’ont pas montré d’anomalies substantielles dans les concentrations en divers polluants, actuellement normalement récupérés et dirigés vers une station d’épuration. Le juge des référés a toutefois estimé qu’il n’apparaissait pas clairement que toute remontée de la nappe d’eau superficielle, qui se trouve aujourd’hui en dessous du niveau bas des casiers à déchets et dont les évolutions, en l’absence d’instruments de mesure opérationnels, ne peuvent être étroitement suivies, serait à exclure avec certitude et qu’une dissémination des polluants sur et en dehors du site ne serait pas ainsi pas raisonnablement envisageable. Sur ce point précis, il a observé que, outre la nappe phréatique, les cours d’eau Oudar et Maraicher, parcourant le site, ne paraissent pas préservés d’une pollution qui ne serait pas nécessairement exceptionnelle.

Le juge des référés a en conséquence retenu que l’absence au dossier d’éléments qui permettraient d’apprécier de la manière la plus complète possible, et dans la durée, tout risque sérieux de survenance d’une pollution et de sa dissémination dans la nappe phréatique, voire de l’écarter, y compris à l’ouest du site, ne donnait en l’état, pas la possibilité de s’assurer que l’exploitation de l’installation projetée, telle qu’elle a été enregistrée, serait dans le temps compatible avec une surveillance limitée principalement aux secteurs est et sud de l’ancienne décharge. Il considère que la seule mise en œuvre, des mesures de portée nécessairement limitée, qu’imposeraient d’éventuelles anomalies détectées, comme le prévoit l’arrêté contesté, ne suffit pas à exclure un tel risque.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments le juge des référés a estimé, qu’au regard de la sensibilité environnementale de la zone, des conditions d’intervention sur l’ancienne décharge et des conséquences liées à la progression de l’exploitation de l’activité enregistrée, une évaluation environnementale donnant lieu à étude d’impact était justifiée et prononce en conséquence, la suspension de l’arrêté contesté.

Lire la décision n°2204410-2204454

Contacts :

Mandayo DEMANGHO

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mandayo.demangho@juradm.fr

Tina ZAABOURI

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Crédits photo: CEREMA