N° 1501446
TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE LYON
N° 1501446
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M. C... A...
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Mme Wolf
Président Rapporteur
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M. du Besset
Rapporteur public
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Audience du 8 décembre 2015
Lecture du 16 décembre 2015
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14-02-01-06
C+-CK
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le tribunal administratif de Lyon
6ème chambre
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 20 février 2015, M. C... A..., représenté par Me Couderc, demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision par laquelle le préfet du Rhône a implicitement rejeté sa demande d’attribution d’une licence de taxi ;
2°) d’enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une licence de taxi ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 200 euros à lui verser en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il était titulaire d’une licence de taxi et a été convoqué devant la commission départementale des taxis et véhicules de petite remise, siégeant en formation disciplinaire, le 12 novembre 2013, mais il ne s’est pas présenté ; par arrêté du 24 décembre 2013, le préfet lui a retiré définitivement sa carte ;
- il a repassé son permis de conduire et a demandé par courrier du 21 juillet 2014, adressé au préfet du Rhône qu’il lui délivre une nouvelle carte professionnelle ; sa demande est restée sans réponse ;
- en droit, une décision de retrait définitif de carte professionnelle de taxi fait obstacle à toute demande de certification professionnelle si le retrait est intervenu dans les dix ans précédant la demande d’inscription à l’examen ; toutefois, le texte ne vise que l’hypothèse dans laquelle un chauffeur souhaite repasser un examen dans un autre département que celui dans lequel il en est déjà titulaire ; en effet, l’arrêté retirant la carte professionnelle de taxi, n’entraîne pas l’annulation de la capacité à exercer la profession de taxi ;
- il est donc toujours titulaire du diplôme dans le département du Rhône ;
- il était de bonne foi lorsqu’il a continué à conduire alors qu’il avait perdu tous les points de son permis de conduire, ce qu’il ignorait car il était absent lorsque la décision prononçant l’invalidation de son permis de conduire lui a été notifiée ;
- la décision qui n’est pas motivée est illégale ;
- elle est, par suite, entachée d’un défaut d’examen particulier ;
- elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation.
Par un mémoire enregistré le 3 juin 2015, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- une décision de retrait définitif de carte professionnelle de taxi fait obstacle à toute demande de certification professionnelle si le retrait est intervenu dans les dix ans précédant la demande conformément à l’article 2 du décret n° 2009-72 du 20 janvier 2009 ;
- le texte a une portée nationale ;
- peu importe le parcours de M. A..., qui a perdu sa capacité professionnelle.
Vu :
- la décision attaquée ;
- les autres pièces du dossier ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- le code des transports ;
- le décret n° 95-935 du 17 août 1995 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Wolf, présidente,
- les conclusions de M. du Besset, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., substituant Me Couderc, avocat de M. A....
1. Considérant que par décision du 24 décembre 2013 prononcée après avis de la commission départementale des taxis et véhicules de petite remise, le préfet du Rhône a décidé le retrait définitif de la carte professionnelle de taxi de M. A... au motif que ce dernier avait illégalement exercé la profession de chauffeur de taxi et conduit avec un permis de conduire invalide ; que le 21 juillet 2014, ce dernier, faisant valoir qu’il était à nouveau titulaire du permis de conduire, a demandé au préfet la délivrance d’une carte professionnelle ; qu’il demande l’annulation de la décision implicite par laquelle le préfet lui a opposé un refus ;
Sur les conclusions à fin d’annulation :
2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 3121-9 du code des transports : Peuvent seuls exercer l'activité de conducteur de taxi : 1° Les titulaires d'un certificat de capacité professionnelle délivré par l'autorité administrative ; qu’aux termes de l’article L. 3124-2 du même code : « En cas de violation par un conducteur de taxi de la réglementation applicable à la profession, l'autorité administrative peut lui donner un avertissement ou procéder au retrait temporaire ou définitif de sa carte professionnelle » ; qu’enfin, aux termes de l’article 3 du décret susvisé du 17 août 1995, modifié : « Nul ne peut s'inscrire à l'examen du certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi : 1° S'il a fait l'objet dans les dix ans qui précèdent sa demande d'un retrait définitif, en application de l'article 2 bis de la loi du 20 janvier 1995 susvisée, de la carte professionnelle de conducteur de taxi » ; qu’aux termes de l’article 3-1 de ce même décret : « La délivrance du certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi est subordonnée à la réussite à un examen comportant une épreuve d'admissibilité composée d'unités de valeur de portée nationale ou locale et une épreuve d'admission comportant une unité de valeur de portée locale. / Chaque unité de valeur peut être obtenue séparément. Les candidats peuvent demander à subir les épreuves des unités de valeur de portée nationale dans le département de leur choix. / En cas de changement de département, les titulaires du certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi doivent obtenir les unités de valeur départementales correspondantes pour poursuivre leur activité » ;
3. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que la délivrance du certificat professionnel est conditionnée à la vérification de la capacité du pétitionnaire à conduire un taxi, c’est-à-dire à la vérification des qualités de conducteur, impliquant la connaissance de la réglementation sur le transport des particuliers et de la sécurité routière, des capacités en matière de gestion et de relations commerciales, de l’aptitude à s’orienter dans un secteur donné, défini en l’espèce comme le département ; que la carte professionnelle est délivrée pour un département donné, par le préfet de ce département au titulaire du certificat de capacité professionnelle incluant les unités de valeur spécifiques à ce département ; que le retrait de cette carte professionnelle pour une durée limitée ou à titre définitif sanctionne la violation par le conducteur de taxi de la réglementation professionnelle ; que, toutefois, si le retrait, prononcé à titre définitif, fait obstacle à ce que, dans les dix ans suivants, le chauffeur de taxi tente de s’installer dans un autre département en se présentant au certificat de capacité professionnelle organisé pour ce département, il n’emporte pas retrait du certificat de capacité professionnelle délivré dans le département d’origine ; qu’il suit de là que le retrait prononcé à titre définitif de la carte professionnelle d’un chauffeur de taxi ne fait pas obstacle à ce que ce même chauffeur demande au préfet, qui lui a retiré la carte professionnelle, de lui en délivrer une nouvelle ; qu’il appartient, alors, au préfet, qui n’est pas tenu d’opposer un refus au pétitionnaire, d’apprécier par une décision motivée, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si ce dernier présente les garanties, y compris morales, requises pour exercer à nouveau la profession de chauffeur de taxi ;
4. Considérant que pour fonder, en cours d’instance, le refus implicite opposé à M. A... qui demandait la délivrance d’une carte professionnelle de taxi, le préfet du Rhône a expliqué que le retrait de la carte professionnelle de taxi de M. A... avait nécessairement eu pour conséquence la perte de son certificat de capacité professionnelle, auquel il ne pourrait se présenter à nouveau dans un délai de dix ans et qu’ainsi, il était tenu de rejeter sa demande ; qu’il résulte toutefois de ce qui précède qu’en prenant cette décision, pour ce motif, le préfet du Rhône a commis une erreur de droit ;
5. Considérant que M. A...est fondé à demander l’annulation de la décision implicite par laquelle le préfet du Rhône a rejeté sa demande en date du 15 juillet 2014 tendant à la restitution de sa carte professionnelle de taxi ;
Sur les conclusions à fin d’injonction :
6. Considérant qu’aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. » ;
7. Considérant que le présent jugement n’implique pas que le préfet délivre à M. A... une nouvelle carte professionnelle, mais seulement qu’il se prononce par une nouvelle décision motivée après examen de sa demande ; que, par suite, les conclusions de M. A... tendant à ce qu’il soit enjoint au préfet du Rhône de lui délivrer une carte professionnelle de taxi doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La décision née du silence gardée par le préfet du Rhône sur la demande en date du 21 juillet 2014 par laquelle M. A... a demandé la délivrance d’une carte professionnelle de taxi est annulée.
Article 2 : L’Etat versera à M. A... une somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. C... A... et au préfet du Rhône.