Discours pour l’audience solennelle

Événement
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Du 29 septembre 2014

M. le préfet de la région Rhône-Alpes, préfet du Rhône,

Mesdames et messieurs les députés,

M. le sénateur- maire de Lyon, président du Grand Lyon,

M. le sénateur, représentant la présidente du conseil général

M. le général de corps d’armée, gouverneur militaire de Lyon,

M. le préfet de l’Ain

M. le président de la cour administrative d’appel de Lyon

Mme la présidente du conseil économique et social de la région Rhône Alpes

Mme l’avocat général représentant le procureur général ;

M. le président du tribunal de grande instance de Lyon et M. le procureur de la République près ce tribunal

Mme la présidente de la chambre régionale des comptes Rhône Alpes Auvergne

M. le colonel, représentant le général de division commandant la gendarmerie Rhône Alpes

MM. les présidents du tribunal de commerce de Lyon et du conseil des prud’hommes de Lyon

M. Le président de la chambre de commerce et d’industrie du Rhône, Mme et M. les présidents d’établissements publics

Mme et M. les chefs des services régionaux et départementaux de l’Etat

M. le bâtonnier de l’ordre des avocats de Lyon et M. le représentant du bâtonnier de l’ordre des avocats de Saint Etienne

M. Les doyens des facultés de droit de Lyon II, Lyon III et de la faculté catholique

Mmes et MM présidents de conseils régionaux et départementaux des ordres professionnels

Mme les présidents des compagnies d’experts judiciaires et M. le président de la compagnie des commissaires enquêteurs

M. les représentants des autorités religieuses

 

C’est toujours avec un grand plaisir que, chaque année, le tribunal vous accueille et vient vous rendre compte de ses activités et de ses préoccupations. Il est conscient de l’honneur que vous lui faites en étant  présent, signe que le rôle de contrôle que nous exerçons sur les mesures que prend l’administration est compris, même si tous nos jugements ne peuvent pas toujours vous donner entière satisfaction nous le savons bien.

Nous avons choisi de différer la date de cette audience en raison de la campagne des élections sénatoriales qui imposait une période de réserve aux autorités de l’Etat. Je félicite tout de suite les nouveaux élus qui nous font l’honneur de leur présence. Le travail législatif a un impact direct sur le travail juridictionnel, comme je le rappellerai plus loin, et leur tâche n’est pas facile.

Je vous propose de commencer par vous présenter nos dix nouveaux collègues qui sont venus remplacer les neuf collègues déjà partis soit en promotion soit en mutation, d’autres étant en partance.

Pour tenir compte de l’augmentation importante de la charge de travail du tribunal administratif, le conseil d’Etat a créé au sein du tribunal, à compter du 1er septembre de cette année, une nouvelle chambre qui sera la huitième. Cela se traduit par un renforcement de deux magistrats. Par ailleurs, un poste de vice –président du tribunal, qui sera donc le numéro 2 de ce tribunal, a été également  créé et son nouveau titulaire devrait être nommé très prochainement après l’avis favorable du conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Nous recevrons également un magistrat en renfort après la Toussaint.

Le point le plus notable dans les effectifs des magistrats est le profond renouvellement parmi les présidents de chambre, comme vous le montrent ces chaises vides au premier rang, puisque la moitié de ces derniers sont renouvelés ou créés. Chez les conseillers et premiers conseillers, ce sont six nouveaux magistrats qui nous arrivent, soit 20 % de nos effectifs dans ces grades.

 

M. le rapporteur public Hadi Habchi va vous les présenter :

 

J’ai eu le plaisir de voir que, dès leur arrivée, ces magistrats, la plupart déjà expérimentés, ont pu apporter leur concours au travail collectif puisque depuis le début du mois de septembre nous avons tenu des audiences exceptionnellement  chargées pour faire face au flux en constante augmentation du contentieux des étrangers et plus particulièrement des obligations de quitter le territoire. Je leur souhaite officiellement la bienvenue dans ce tribunal et dans cette belle ville  même si je peux craindre que le tableau de la situation du tribunal ne les conduise à douter du bien-fondé de leur choix car il y a beaucoup de travail à venir.

Il faut noter également qu’au sein des présidents de chambre nous arrivons pour la première fois à la parité homme-femme alors que, lors de ma première audience solennelle en 2011, le premier rang était exclusivement masculin. Je ne peux cependant m’en attribuer aucun mérite puisque les nominations sont prises par le gouvernement après avis du conseil supérieur.

 

Il me revient maintenant de vous rendre compte de la situation du tribunal administratif de Lyon. Le premier constat que l’on peut faire est que la soif de justice de nos concitoyens ne s’étanche pas. Quantitativement (et vous pourrez trouver ces chiffres dans le document joint qui vous a été diffusé) vous pouvez noter une croissance de demande de justice administrative toujours plus forte. Au plan national, on constate une hausse des affaires enregistrées de plus de 12% avec près de 180.000 affaires, et cette hausse est également ressentie au niveau local avec plus de 8% de hausse par rapport à l’année dernière, soit 9501 affaires nouvelles depuis le 1er septembre 2013.

Depuis 2011, où les entrées étaient de l’ordre de 7700 affaires, ce sont presque 2000 affaires en plus que le tribunal a enregistrées en trois ans. Comme le disait plaisamment Jules Renard dans son journal avec son style inimitable ‘’Contrairement à ce qui est écrit dans le sermon sur la montagne, ceux qui ont soif de justice, ils ont toujours soif ‘‘.Comme un magistrat juge entre 200 et 250 affaires en moyenne par année, cela aurait dû conduire à une hausse d’environ 8 magistrats pour faire face à cette augmentation. Or jusqu’au  1er septembre 2014 les renforts n’ont été, en effectif réel,  que de 2 magistrats.

La forte hausse des entrées

Le tribunal se trouvant dans son travail de contrôle au cœur des activités de l’Etat et des collectivités territoriales, dont on sait la place essentielle qu’elles occupent dans notre société, il n’est pas étonnant de voir que les difficultés économiques et sociales actuelles ont un impact sur les contentieux. Au nombre des contentieux qui augmentent, il faut noter une forte hausse du contentieux fiscal de plus 25 %, du contentieux des étrangers qui avait déjà augmenté fortement l’année dernière et qui augmente encore de plus de 12%. Le contentieux des étrangers représente aujourd’hui environ 44% des entrées au tribunal administratif. Les contentieux sociaux qui englobent le revenu de solidarité active, le chômage, (allocations, radiation des listes de Pôle emploi notamment), le  logement ont  beaucoup augmenté, de plus 36% depuis le début de l’année. Il en est de même en contentieux du travail qui englobe notamment le licenciement des salariés protégés, + 40% depuis le début de l’année.

 

Les contentieux de l’urbanisme et des marchés restent stables.

En revanche, le contentieux de la fonction publique est en baisse sans que l’on puisse précisément y voir une corrélation avec la réduction du nombre de fonctionnaires. Il est un autre contentieux qui connaît une baisse considérable  (25%) celui des retraits de points en matière de permis de conduire. On pourra émettre l’hypothèse que lorsque les textes et la jurisprudence posent clairement les règles, ce qui est désormais le cas dans ce domaine, un contentieux diminue en général. Cela devrait être une leçon pour tous ceux qui édictent les normes. Une règle claire et stable conduit à une baisse du contentieux car les requérants peuvent mieux apprécier les chances qu’ils ont de gagner leurs procès. Des normes instables et peu claires induisent un risque contentieux accru. Je vais y revenir ensuite en citant quelques exemples.

Cette hausse des entrées va vraisemblablement se poursuivre sous l’effet de deux facteurs : une tendance récurrente de transfert de compétences de la juridiction judiciaire vers la juridiction administrative dans certaines matières d’une part et de nouvelles compétences confiées au juge administratif, d’autre part

On assiste à un phénomène récent qui consiste, dans plusieurs lois, à transférer  au juge administratif des contentieux qui relevaient antérieurement du juge judiciaire. Nous avons parlé l’année dernière, en droit du travail, du contentieux  des plans sociaux pour l’emploi. Mais depuis ce transfert, la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite loi Hamon, a créé un très grand nombre de sanctions administratives dans le code de la consommation : lorsqu’il y a manquement aux dispositions chargées de protéger les intérêts des consommateurs ou en cas de clauses abusives, lorsqu’il s’agit de mettre fin à des pratiques abusives, en cas de non respect de paiement entre les entreprises ou de non respect des règles relatives au formalisme contractuel. Ces sanctions étaient antérieurement des sanctions pénales C’est donc un nouveau contentieux qu’aura à traiter le juge administratif, celui de la concurrence qu’il connait déjà partiellement avec les marchés publics, et celui de la consommation qu’il ne connaît guère. Et ce contentieux devrait générer un flux nouveau important de dossiers pour le tribunal.

De même, le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement actuellement en discussion devant le parlement, habilite le gouvernement à procéder par voie d’ordonnance à la refonte de la juridiction spécialisée de l’aide sociale et à modifier les limites de la compétence des juridictions de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire. Nous ne connaissons pas ces nouveaux contours mais on ne peut que souhaiter une clarification effective des compétences respectives de chaque ordre de juridiction, tant le régime des compétences juridictionnelles est actuellement complexe alors qu’il s’agit d ‘un domaine qui concerne les plus défavorisés de nos concitoyens.

Enfin, toujours dans nos nouvelles compétences, il faut citer une loi d’actualité, la loi de lutte contre le terrorisme, actuellement en discussion devant le parlement, qui prévoit notre compétence pour juger de la légalité d’une interdiction de sortie du territoire d’un ressortissant français et l’interdiction pour un étranger assigné en résidence d’être en relation avec certaines personnes dont le comportement est lié à des activités à caractère terroriste.

 

Dans ce foisonnement de nouvelles réglementations il y a quelques bonnes nouvelles, je dis bonnes nouvelles alors qu’il ne s’agit que de menaces qui ont, semble-t-il, été écartées. Ainsi il a été question, pendant un temps, de transférer le contentieux des sommes perçues au titre du stationnement irréguliers des véhicules, du juge judiciaire au juge administratif de droit commun. Ce contentieux de masse représentait un potentiel de plusieurs millions de dossiers nouveaux alors que, je vous ai dit, l’ensemble de la juridiction administrative de premier degré traite environ 180.000 dossiers chaque année .Il a été finalement sagement décidé, par l'article 63 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale, de ne pas transférer ce contentieux à l’ordre administratif mais de créer une juridiction administrative spécialisée qui siégera à Rennes. Même si la loi n’est pas encore votée, nous avons aussi, semble-t-il, échappé au transfert du contentieux de l’asile, actuellement traité par la CNDA, vers le juge administratif de droit commun qui représente également plusieurs dizaines de milliers de requêtes supplémentaires. Nous n’aurions pas pu faire face raisonnablement à ces transferts.

 

Le juge administratif peut et même doit voir, dans ces nouvelles compétences qui lui sont confiées, un signe de confiance des pouvoirs publics et donc de la société dans le travail que la juridiction effectue. Mais ces différentes réformes qui ne font pas souvent l’objet d’études d’impact approfondies sur le nombre de requêtes nouvelles qu’elles vont entraîner, risquent de peser lourdement sur notre charge de travail et ainsi rallonger encore plus nos délais de jugements.

 

Baisse des sorties 

Non point que le tribunal ait décidé un peu de souffler mais cette baisse de nos sorties s’expliquent principalement par deux réformes qui ont eu un impact important sur le nombre des ordonnances rejetant les requêtes. Car les formations collégiales et les juges uniques ont jugé davantage d’affaires que l’année précédente. Cela est lié d’abord à la suppression de ce que l’on appelait le timbre de 35 euros qui devait être acquitté pour chaque requête et était destiné à financer l’aide juridictionnelle, mal en point on le sait, et la réforme des procédures en matière des contentieux sociaux. Afin de protéger les droits  des personnes les plus défavorisées, qui n’ont que rarement des avocats et ne comprennent pas que s’adresser à un juge nécessite le respect de certaines règles procédurales, un décret est venu renforcer leurs droits en interdisant au juge de  rejeter les requêtes qui ne répondaient pas aux règles qui gouvernent la recevabilité des requêtes. Nous avons désormais l’obligation de les informer par LRAR de la façon dont ils doivent procéder pour accéder au juge et voir leur requête examinée au fond.

Dans le cadre des anciennes procédures ces deux mesures, timbre et contentieux sociaux, entraînaient la prise de plusieurs centaines d’ordonnances de rejet dès lors que les formes n’étaient pas respectées. Désormais la plupart de ces affaires passent en jugement après envoi de courriers recommandés.

 

Augmentation du stock et rallongement des délais : l’effet de ‘’ciseau’’ ainsi créé entre la hausse des requêtes enregistrées et la baisse des sorties, pour les raisons que j’ai expliquées, a pour effet mécanique d’allonger les délais de jugements qui, pour les affaires ordinaires (hors procédures d’urgence et référés), est passé à plus de deux ans, la délai prévisible moyen étant quant à lui passé de 11 mois et 2 jours à un an deux mois et 8 jours.

 

Cette tendance actuelle va sans doute s’accentuer à l’avenir avec les nouvelles compétences confiées au juge administratif. Elle va sans doute nous contraindre à revoir nos priorités afin que nous puissions traiter également les dossiers anciens.

 

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Le contexte est donc difficile. Mais pour le juge cette difficulté est encore accrue, selon nous, par l’existence de changement très (trop) nombreux dans la règle de droit applicable et des problèmes d’effectivité de l’exécution des décisions juridictionnelles.

 

Dans un remarquable rapport public de 1991, cela fait plus 20 ans, le conseil d’Etat portait une lumière crue sur les maux qui affectaient déjà le droit et partant l’Etat de droit. Les symptômes étaient préoccupants et le diagnostic sévère.’’Prolifération des textes, instabilité des règles, dégradation de la norme’’ étaient perçus comme autant de menaces pour le principe de sécurité juridique.

 

Comme l’exprimait aussi le professeur Guy Carcassonne dans son article publié en 1996 dans les mélanges en l’honneur de Guy Braibant ‘’le succès de l’Etat de droit est un hommage implicite à l’efficacité prêtée à la discipline juridique mais il dissimule en réalité un recours excessif à la norme par une société désemparée pour suppléer ce que d’autres références ne lui apportent plus’’. Et il ajoutait ‘’en fait il est demandé au droit de se substituer à d’autres instruments défaillants. Maintes fois diagnostiqué, l’évanouissement des repères qui identifient une société, des valeurs qui la cimentent, mérite d’être rapproché de cette prolifération des normes. Ce que les codes sociaux, la morale, la foi, la conviction, la politesse, l’éducation ne suffisent plus à assurer c’est au droit qu’il revient d’y pourvoir ‘’; et M. Carcassonne terminait ainsi ‘’A ce titre la société de droit menace l’Etat de droit. Portalis l’affirmait il ne faut pas de lois inutiles, elles affaibliraient les lois nécessaires. Tout assujettir au droit c’est bientôt ne plus rien réellement lui soumettre. Toutes les précautions prises pour forcer  l’Etat à respecter la règle de droit donc pour construire un vrai état de droit peuvent être balayées si le juge est saturé par des contentieux marginaux, si le justiciable est incité à devenir un plaideur systématique, si le citoyen est bardé des droits les plus divers invité à faire valoir les exigences les plus exorbitantes bref si l’Etat de droit s’ensable sur les tas de droits ‘’. Ce texte, écrit en 1996, conserve toute son actualité et peut être même encore plus pertinent aujourd’hui. ..

 

Prolifération de textes qui crée une instabilité du droit : rien qu’en urbanisme, entre 2013 et 2014, il y a eu sept textes successifs qui sont venus apporter leurs pierres à notre droit contemporain de l’urbanisme : ordonnance du 18 juillet 2013 et décret du 1er octobre 2013 relatifs au contentieux de l’urbanisme, deux ordonnances du 18 juillet 2013 relatives pour l’une à la procédure intégrée pour le logement et l’autre au développement de la construction de logements, ordonnance du 19 décembre 2013 créant un géoportail de l’urbanisme, décret du 27 février 2014 apportant un certain nombre de modifications en matière d’autorisation d’urbanisme, loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové du 24 mars 2014 avec son titre IV qui porte sur la modernisation des documents de planification et d’urbanisme, loi qui elle-même implique l’adoption de nombreux décrets d’application . Enfin, le législateur a habilité le gouvernement à procéder par voie d’ordonnance à une nouvelle rédaction du livre I du code de l’urbanisme afin d’en clarifier la rédaction et le plan. Se pose à chaque fois pour le juge face à cette avalanche de nouveaux textes la question de l’entrée en vigueur de ces dispositions outre leur application au fond ! 4 ordonnances, une loi et deux décrets n’est ce pas trop en un an pour traiter des points connexes ?

 

S’agissant par ailleurs d’un contentieux qui représente plus de 40% de nos entrées, celui du droit des étrangers, comme l’indique en préambule le code Dalloz des étrangers : ‘’Affirmer que le droit des étrangers est une discipline complexe marquée par une inflation législative sans précédent relève de la litote’’ .C’est ainsi que, depuis 1980, le parlement a voté une vingtaine de lois successives dans ce domaine. A cette législation instable, s’ajoutent de nombreux textes réglementaires, de source européennes de l’Union ou du conseil de l’Europe, outre des conventions bilatérales et une jurisprudence foisonnante sans parler maintenant d’une notion nouvelle mais intéressante, le droit souple. Une nouvelle loi concernant cette matière très sensible du droit des étrangers est annoncée pour l’automne accompagnant une nouvelle loi réformant le droit d’asile. Cette nouvelle loi est susceptible de rendre encore plus complexe les procédures, une nouvelle procédure de référé étant prévue pour les demandeurs d’asile en rétention. A peine la règle devient-elle claire avec l’aide de la jurisprudence qu’elle est modifiée sans souvent que l’on soit en mesure d’en apprécier les effets sur la durée.

 

L’instabilité de notre droit engendre une insécurité juridique qui non seulement a un coût économique mais qui également désoriente nos concitoyens et rend les règles inintelligibles.

 

 

Se pose également la question de l’efficacité de la règle de droit.

Trois  exemples :

 

La question se pose avec le droit au logement opposable. Dans les zones où l’offre de logement est inférieure à la demande, le juge condamne l’Etat à reloger des personnes qu’une commission a déclaré comme prioritaires. Mais cette injonction n’est, dans ces zones, pas suivie d’effet car que peut faire un préfet sinon de se conformer à un principe de réalité qui parfois heurte le droit lorsqu’il n’y a plus de logement dans son contingent disponible. Le juge condamne alors l’Etat à verser des astreintes qui ne vont pas au bénéficiaire de ce droit mais à un fonds d’Etat et ce toujours en vain .C’est ainsi qu’il y a des dossiers ouverts depuis plusieurs années que le juge rouvre de temps en temps pour constater que rien en fait ne change et continue de condamner l’Etat à payer des astreintes qui vont à l’Etat sans que pour autant le bénéficiaire de la décision soit logé. Quel crédit les requérants peuvent accorder à un juge aussi impuissant à rendre effectif leur droit au logement pourtant reconnu au regard de la loi.

La même situation se rencontre  avec le droit à l’hébergement notamment d’urgence, l’Etat a posé comme principe que les personnes en détresse, quelle que soit leur nationalité, ont le droit d’être hébergées mais que faire lorsque les dispositifs d’hébergement sont saturés et qu’ils n’y a plus de crédits ? Quelle place joue le juge dans ce système où les droits prévus par la loi ne peuvent se traduire concrètement ?

De même dans le contentieux du droit des étrangers, la loi nous impose de juger les décisions obligeant les étrangers à quitter le territoire dans des délais très brefs 72 heures ou 3 mois. Les raisons de cette urgence était qu’il fallait pouvoir rendre rapidement effectif ce renvoi dans leur pays d’origine, le recours étant suspensif. Or on constate qu’un très grand nombre de ces étrangers restent sur le territoire après nos jugements validant les décisions des préfets imposant normalement de quitter le territoire. Le vice–président du conseil d’Etat rappelait récemment que dans l’affaire si médiatique ‘’Léonarda ‘’ il avait fallu seize décisions juridictionnelles toutes défavorables à cette famille avant que le renvoi soit réalisé alors qu’une seule aurait dû normalement suffire. Nous connaissons les procédures utilisées pour permettre le maintien sur le territoire mais ne pourrait –on pas réfléchir au moyen de rendre effective cette obligation. Car sinon, là encore, c’est le crédit accordé à la règle de droit qui est affecté.

 

Il est certain que ce constat un peu désabusé à force d’avoir été répété ne vise en aucun cas à mettre en cause, les autorités publiques locales. Nous savons bien qu’au delà de la règle de droit il est des réalités qui s’imposent à eux et le droit n’y peut rien. On pourrait peut être penser, mais je reconnais que c’est un peu provoquant, que les choses iraient mieux si l’on pouvait élever ce principe de réalité au rang des principes généraux du droit, si possible à un niveau supra législatif afin d’éviter un empilement de droits rendus parfois inefficaces en l’absence de moyens mis en place pour les accompagner.

 

Dans ces cas là, le juge, je ne vous le cache pas, s’interroge sur sa mission et ne peut se satisfaire de voir que son travail est en partie inutile, surtout quand la demande sociale de justice, comme je l’ai dit, est en si forte croissance.

 

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Mais il faut bien sûr relativiser ce constat critique qui ne porte que sur certains contentieux même s’ils sont quantitativement importants. La plupart des actions  contentieuses sont efficaces car les jugements font l’objet d’une exécution réelle et les droits acquis du fait du jugement sont des droits qui se traduisent dans la vie des personnes qui nous ont saisies.

 

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Face à ces montées du nombre de requêtes ne faudrait- il pas, par ailleurs, que les parties au procès réfléchissent, avec l’appui du juge, à d’autres modes que le procès contentieux pour régler certains différends. Je veux parler ici d’autres modes de résolutions des litiges ou plus clairement de conciliation. Certains contentieux s’y prêtent mal mais d’autres si, même en droit public. A la suite de la convention que nous avons signée avec le barreau de Lyon pour développer la conciliation, j’ai eu le plaisir de voir une première requête en contentieux de la fonction publique dans laquelle les parties proposent, d’un commun accord, de s’engager dans cette voie. Si cette hirondelle ne fait pas le printemps je veux y voir un espoir .La conciliation a cette vertu d’essayer de rapprocher les points de vue et d’éviter la solution brutale d’un jugement avec un perdant et un gagnant. La conciliation doit permettre, dans un certain nombre de cas, de préserver l’avenir surtout lorsque les parties auront à continuer à travailler ensemble.

 

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Par ailleurs, la justice continue de se rénover, notamment dans ses méthodes de travail. Je prendrai deux exemples :

 

a) C’est par les rédactions et en particulier par les motivations de ses décisions  que le juge communique avec les requérants. La question du langage utilisé est donc essentielle et de nouvelles rédactions sont expérimentées en vue, notamment, d’enrichir la motivation de nos jugements afin de les rendre plus accessibles au public de plus en plus diversifié qui saisit le tribunal. Les exigences d’intelligibilité du droit doivent en effet nous conduire à mieux nous faire comprendre autrement que par des formules ambiguës comme ‘’il ressort des pièces du dossier’’ ou’’ il résulte de l’instruction ‘’qui sont parfois d’un usage bien commode mais peu explicite.

 

Une chambre de notre tribunal a été choisie par le conseil d’Etat pour mettre en œuvre cette expérimentation.

 

b) Télérecours : depuis le mois de décembre dernier, la juridiction administrative dans son ensemble a mis en place les outils pour permettre des échanges dématérialisés avec les administrations et les avocats. Ce système, comme tout nouveau système, connaît quelques dysfonctionnements mais globalement les débuts sont satisfaisants. Le nombre d’administrations, de collectivités et d’avocats qui s’inscrivent dans l’annuaire est en hausse constante.

Pour les huit premiers mois de l’année 2014, sur 6729 dossiers enregistrés, il y a eu 1667 dossiers présentés sous forme de Télérecours soit un quart environ, ce qui est un chiffre encourageant. Ce système s’améliore constamment et même si, temporairement, il entraîne un accroissement du travail notamment dans les greffes et qu’il n’apporte pas encore toutes les satisfactions escomptées aux magistrats, on peut espérer à terme de cet outil des améliorations substantielles et une sécurité juridique accrue dans notre travail.

 

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Sur un plan plus général, il nous reste aussi à prendre en compte la naissance de la nouvelle Métropole parmi les collectivités relevant du contrôle du tribunal administratif de Lyon car, actuellement, notre compétence est définie par département. Je pense également que ce palais des juridictions administratives,  qui est propriété du département et mis à disposition de l’Etat, va également relever des propriétés transférées à la métropole.

 

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Je tiens pour terminer à vous assurer de l’implication constante et totale des magistrats et des agents de greffe pour rendre une justice de qualité mais qui sera nécessairement un peu plus lente dès lors qu’on ne peut attendre une hausse des effectifs à hauteur des nouveaux besoins. Je rappelle juste un chiffre pour rappeler l’importance de notre office de juge de premier ressort. Sur un plan national 96% des litiges portés devant la juridiction administrative sont définitivement réglés conformément à la solution adoptée en premier ressort. C’est dire l’importance de notre mission et les exigences que cela implique pour chacun des magistrats de ce tribunal.

 

 

Nous abordons la dernière partie de notre audience de rentrée par un sujet de pleine actualité, le contentieux des élections municipales. La semaine dernière, vous avez d’ailleurs pu lire dans la presse qu’étaient passées à l’audience certaines élections concernant notamment la ville de Vénissieux et celles de Bron qui sont en délibéré. A l’audience du 7 octobre, doivent être examinées les élections municipales de Genas et de Saint Etienne notamment.

 

Le contentieux électoral a fait l’objet de 200 requêtes ou de déférés préfectoraux qu’il s’agisse d’élections municipales ou des élections sénatoriales. Si le rôle du juge administratif est connu pour ce qui concerne les élections municipales, nous avons eu également plus de 40 requêtes relatives aux opérations préalables aux élections sénatoriales notamment concernant le nombre de grands électeurs délégués par les communes ou communautés de communes qu’il faut juger dans les trois jours. Si nous ne sommes pas juges de l’élection des sénateurs, nous jouons donc un rôle discret pour la régularité de  cette élection.

 

Pour ce qui concerne les élections municipales, le tribunal a été saisi d’environ 150 requêtes concernant à la fois les opérations préparatoires aux élections et le déroulement proprement dit.

 

M. le président JL d’Hervé est particulièrement qualifié pour vous faire découvrir les arcanes des élections municipales puisqu’il fut le président de la chambre au sein de ce tribunal qui était chargé de ce contentieux. Ses mérites lui ont permis d’être promu comme président de chambre à la cour administrative d’appel de Marseille depuis le début du mois de septembre. Mais il a bien voulu quand même revenir pour nous parler du rôle du juge administratif dans ce contentieux.

 

 

Merci M.d’Hervé, Je vous remercie tous encore d’avoir bien voulu honorer cette audience de votre présence et je vous invite à nous retrouver dans la salle des pas perdus pour pouvoir échanger autour d’un cocktail.